Until our Hearts stop: La folie contagieuse d'un carnavalesque bien assumé

par Luc Archambault

©_Iris-Janke

     Il est de ces spectacles qui sont loin de séduire aux premiers abords. J'avais vécu pareille expérience, à l'époque, lors de mon premier visionnement du film "Pulp Fiction" de Quentin Tarantino. Je m'ennuyais ferme. Je détestais l'histoire, son développement, le jeu des comédiens, tout, en fait. Puis, Butch gagne son combat de boxe(qu'il devait perdre) et se fait rattraper par Marsellus Wallace. Les deux sont impliqués dans un accident de voiture et se font recueillir par deux "Hillbillies" (Maynard et Zed), qui s'apprêtent à leur faire passer tout un mauvais quart d'heure (en compagnie du "Gimp"). Tout ceci pour dire qu'à partir de ce moment, ce qui s'avérait n'être qu'une longue séance de torture s'est métamorphosée en un délice hautement apprécié, et une hilarité profonde. 


©_Iris-Janke

      Or, c'est à peu près ce qui s'est passée avec ce spectacle des plus baroques, créé par Meg Stuart et produit par Damaged Goods et le Münchner Kammerspiele. Les premiers tableaux sont en effet d'un clinquant rappelant les partys de sous-sols du secondaire. Une sexualité "innocente" s'y déroule, s'y incarne. La dance prend le dessus, sans trop de sens. Meg Stuart parle ici d'un langage cru, brut. On repassera de ce côté. Peut-être que votre humble serviteur a vu des choses plus crues, plus brutes, ou que son échelle de tolérance a été déjantée par ses expériences... quoi qu'il en soit, la première partie du spectacle semble, à première vue, un tantinet adolescent. 

©_Maarten-Vanden-Abeele

     Puis vient "le" moment charnière, celui identifié par mme Stuart comme l'exploration des possibilités de la parole. En effet, quelle exploration! Un Kristof van Boven habillé en complet de bal se met à parler tout doucement au micro à son pianiste Stefan (Rusconi), avec une kyrielle d'anecdotes, de commentaires de toutes sortes (sur l'historique de la salle, ie l'Usine C, sur Montréal, sur la danse, sur tout et rien), avec un filet de voix qui force l'auditoire à se tenir coi pour apprécier à fond cette performance hors du commun... et à ce moment, la magie opère, et opère en grand. Tout ce qui précède ce monologue prend un sens inédit, prend SENS, et tout ce qui suivra sera accepté d'autant plus facilement... 

©_Maarten-Vanden-Abeele

     Ce spectacle est tout simplement une grande surprise qui se dévoile et s'apprécie à la surprise de son dévoilement. Je n'ai pas publié cette critique avant la fin des représentations pour ne pas gâcher votre plaisir, que j'espère grand, voire même grandiose. J'ai entendu des commentaires pour le moins négatifs par rapport à cette représentation; comme vous le verrez dans mes critiques à venir, disons que je rame à contre-courant, j'en suis parfaitement conscient. Mais c'est mon choix, ma vision, et je les assume tous les deux. J'ai été charmé par ce chef-d'oeuvre de Meg Stuart, à ma grande surprise. Est-ce que ce sera assez pour sauver les meubles des deux spectacles suivants...? Malheureusement non.

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